top of page

I R A N - Azadi, Saïdeh Pakravan

  • Photo du rédacteur: Frederique Josse
    Frederique Josse
  • 20 sept. 2024
  • 3 min de lecture

Dernière mise à jour : 14 oct. 2024

Azadi, Saïdeh Pakravan (Editions Belfond) 2015, 448 pages.


Elle irrite légèrement, aux premières pages, Raha. Agacée par le stoïcisme de sa famille, éprise de liberté, cette bourgeoise téhéranaise engage un combat idéologique en provoquant des discussions animées sur l'Iran de demain avec sa famille. Avec la morgue et la candeur de sa jeunesse, brandissant son jean comme étendard de la liberté, elle titille sa famille sur sa mollesse politique. Comme des milliers d'étudiants, elle est révoltée par la réélection contestée d'Ahmadinejad du 12 juin 2009. Avec ses camarades, elle participe à des manifestations en faveur de l'un des opposants au pouvoir, Moussavi ou Karroubi, persuadée que la situation peut changer si le pouvoir change de main.


Patriotes


Sous le prisme des différents personnages, l'auteur dévoile toute la diversité des regards sur la situation de ce vieil empire multiethnique : amertume, nostalgie, incompréhension, crainte, colère, mépris, désespoir, loyauté, déni, haine, résignation, attachement viscéral... La première partie du récit est largement consacrée aux émotions ressenties par les personnages face au chemin que prend leur patrie. Quand ce n'est pas à travers les pensées qu'elles s'expriment, les joutes verbales entre les différents membres de cette famille athée symbolisent à merveille le glissement qui s'opère lorsque les citoyens voient leur environnement, leurs repères, leurs droits, leur échapper dans une totale impuissance. Émaillé de mots et d'expressions farsi, le roman se lit aussi comme un hommage au Géant oriental.


Gloire et dénuement


Mais l'auteur ne fait pas mystère des puissants paradoxes qui fracturent la République islamique. Et, surtout, de son enfermement dans un régime de plus en plus autoritaire, où les libertés individuelles s’atrophient peu à peu, et où les femmes, notamment, sont victimes de l'obscurantisme religieux. Police des mœurs, politique gangrénée, démocratie piétinée... C'est pour lutter contre ces dérives que Raha, en compagnie de son petit ami Kian, participe activement aux manifestations qui secouent le pays, sévèrement réprimées par le gouvernement. Mais son arrestation, d'une incroyable violence, fait basculer le roman dans une autre dimension. Car à travers elle, c'est toute la fragilité des idées, toute l'absurdité de la violence, toutes les zones grises de la vie qui sont abordées.


Résurrection


Victime d'une épouvantable agression, Raha décide de se battre et de réclamer justice, osant briser le tabou d'une parole insupportable et d'une évidente stigmatisation. Pas à pas, le lecteur l'accompagne dans ce combat de restauration de sa dignité, dans l'appropriation fébrile de son histoire, dans la lente réappropriation de son être, de son corps. On observe les effets collatéraux infinis de la violence et de l'injustice, telle une bombe à fragmentation. Et c'est finalement là que se situe toute la justesse du roman, sans complaisance ni fausse pudeur.


Fable sociale


Choisissant d'abord de disséquer, presque chirurgicalement, l'agression de son héroïne, Saïdeh Pakravan clame haut et fort sa lutte pour la quête de la démocratie, l’émancipation de la femme, la laïcité et la liberté. Elle choisit à dessein de faire survenir les soutiens d'ailleurs, de faire évoluer la psyché de ses personnages à rebours de tout cliché, renversant ainsi leurs valeurs et leur statut. Au-delà de la fiction, au-delà même de l'Iran, se cristallise dans ce roman une véritable réflexion philosophique sur la dualité et l'ambigüité des Hommes. Entre intelligence et croyance, entre raison et passion, entre structure sociale et valeurs morales, entre sacré et profane.


Azadi, Saïdeh Pakravan, Editions Belfond, 2015, 448 pages.



Comments


bottom of page